Au-delà de la thèse de Matata, il sied aussi de souligner tous les griefs au centre de la thèse d’Aubin Minaku défendu à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa
La thèse du doctorant Matata Ponyo Mapon vient de défrayer la chronique en République Démocratique du Congo (RDC) avec la démission du Professeur Mabi Mulumba en sa qualité de directeur de l’école doctorale à l’université protestante du Congo. Nous ne reviendrons pas sur les pros et cons, avancés par les uns et les autres afin de justifier les raisons ou les de-raisons. Au-delà de la thèse de Matata, il sied aussi de souligner tous les griefs au centre de la thèse d’Aubin Minaku défendu à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa. Soulignons quelques aspects sur le plan de la forme et du fond qui pourraient donner un peu plus de crédibilité à l’école doctorale en RDC.
Sur le plan de la forme
Il est connu de tous que ces deux personnalités ont occupé ou occupent de hautes fonctions en RDC. Le doctorat est une entreprise très exigeante et toute personne avisée se poserait la question de savoir où ces deux génies politiques ont trouvé du temps pour rédiger en un temps record leurs “excellentes” thèses de doctorat? Une autre piste de réflexion serait de dire que ces deux personnes n’ont jamais rempli avec dévotion leurs hautes fonctions en apparence et étaient plutôt en train de rédiger leurs thèses de doctorat tout en occupant de très hautes fonctions. Si des personnes à temps plein passent au moins quatre ans pour rédiger une thèse de doctorat, il devient incompréhensible que de personnes si occupées (24 heures sur 7 jours) aient rédigé les thèses de doctorat qui rencontrent les exigences académiques.
Un autre fait à relever est que ces deux personnalités ont profité de leurs positions d’un point de vue politique pour acquérir les diplômes. On se souviendra de la politisation de la thèse de maîtrise de Matata Ponyo Mapon à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Kinshasa, où certains professeurs ont perdu leurs postes pour s’être opposés à la défense de la thèse de maîtrise ou Diplôme d’Études Approfondies (DEA). D’une manière générale, les défenses de thèse se passent sous tension, avec la présence des hommes armés.
Est-ce que les écoles doctorales en RDC veulent simplement livrer des diplômes ou travaillent-elles pour former des gens pour aider la nation
C’est seulement en RDC où les fonctions et rôles académiques cohabitant avec les autres fonctions très exigeantes du reste. Ailleurs, lorsqu’un professeur accepte de servir le pays à des postes politiques (Ministre ou membre du parlement), il doit abandonner les fonctions académiques (professeur ou chercheur) et ce, durant toute la période pour laquelle il est en fonction. En RDC, le professeur reste professeur même avec les fonctions de ministre!
Sur le plan du fond
C’est toute l’école doctorale en RDC qui est gangrenée par ses lois et règlements truqués et tronqués. Une première question qui viendrait à tout lecteur avisé est celle de savoir comment les “doctorants” rédigent leurs thèses en l’absence des bibliothèques en plus d’un accès hyper-limité à l’internet. Est-ce que les écoles doctorales en RDC veulent simplement livrer des diplômes ou travaillent-elles pour former des gens pour aider la nation. Ne dit-on pas que des personnes mal formées sont plus dangereuses que des personnes en armes?
Logiquement, il est impossible d’organiser des thèses de doctorat dans un pays où l’enseignement supérieur et la recherche ne bénéficient pas de subsides de l’État. Comment quelqu’un peut prétendre défendre une thèse de doctorat alors qu’il n’a pas participé à aucune conférence scientifique depuis le début de sa formation doctorale jusqu’à la fin? Comment connaîtra-t-il les enjeux liés à son domaine d’intérêt et sa spécialisation?
Il est temps d’arrêter les hémorragies en place dans les écoles doctorales car cela n’honore pas le pays
Revenons à la composition des jurys. La plupart des thèses organisées et défendues en RDC connaissent toujours des problèmes de jurys avec des raisonnements du genre: “Il ne l’aime pas, et donc on le mettra pas dans le jury”; ou sinon “ce professeur-là n’est en bons termes avec le directeur de thèse, donc il faudrait l’écarter pour éviter des surprises”; ou carrément “la composition du jury est tribalo-ethnique”. Où allons-nous avec des écoles doctorales entachées d’irrégularités dès le départ. Telles qu’organisées actuellement, les écoles doctorales seraient des écoles locales car elles ne sont pas ouvertes aux critiques de l’extérieur. Tenez, dans toutes les universités qui se respectent, il y a toujours un examinateur externe dans les jurys de thèse. L’acceptation ou le rejet de la thèse est principalement du ressort de l’examinateur externe. Si ce dernier fait des commentaires positifs sur la thèse, elle a plus de chance d’être acceptée. Sinon, elle sera rejetée. Les écoles doctorales en RDC ressemblent à des clubs d’amis ou des frères tribal-ethniques qui se réunissent pour distribuer des thèses de doctorat. Ce que Mze Laurent-Désiré Kabila avaient appelé un “conglomérat d’aventuriers”, un concept qui peut être étendu aux écoles doctorales de la RDC. On a vu ou mieux entendu des thèses de doctorat taxées de plagiat par les professeurs d’ailleurs, mais que les membres des jurys ont accepté pour défense et dont le récipiendaire auteur du plagiat fut proclamé “avec distinction”.
Il est temps d’arrêter les hémorragies en place dans les écoles doctorales car cela n’honore pas le pays. En plus du fait que ces membres du jury et ces encadreurs de thèse ne font même pas la recherche. Ils ne publient pas pour être à la hauteur de diriger un mémoire de maîtrise, et encore moins une thèse de doctorat.