Depuis quand les Africains ont peur d’un mort?
Comme tous les RD Congolais le savent si bien, Étienne Tshisekedi wa Mulumba est décédé depuis le 1er février 2017 à Bruxelles (Belgique). Depuis lors, il y a toutes sortes de conjectures autour de l’organisation des obsèques à Kinshasa la Capitale de la République Démocratique du Congo (RDC). Même le gouvernement de Kinshasa qui ne l’avait jamais porté dans son « fort intérieur » - parce qu’il gênait l’action de Joseph Kabila et son gouvernement -, estime maintenant qu’il est temps d’honorer la mémoire de l’illustre disparu. L’avenir en dira mieux !
À suivre de près le dernier développement de cette situation, on a l’impression que même la famille biologique est un peu dubitative sur la façon dont il faille organiser les obsèques à Kinshasa pour honorer l’opposant historique Étienne Tshisekedi wa Mulumba, président élu aux élections de 2011. Un exercice social et populaire pourtant naturelle et simple, à première vue.
Cependant, une question se pose : « Depuis quand les Africains ont peur d’un mort » ? Celui d’Etienne Tshisekedi inquiète pourtant le pouvoir hyper-armé de Joseph Kabila ainsi que l’opposition représenté par le Rassemblement des Forces politiques et sociales de l’opposition qui craint lui aussi qu’une fois Etienne Tshisekedi enterré, avec lui sera enterré l’accord global et inclusif de la Saint Sylvestre de 2016 signé à Kinshasa entre lui, la Majorité Présidentielle de Kabila, les membres de l’opposition présents aux discussions politiques à la Cité de l’Union Africaine dont l’Union pour la Nation Congolaise de l’inconstant Vital Kamerhe.
Le désormais évêque émérite déplore toute forme de récupération politique du pouvoir de Kinshasa autour des obsèques du défunt
Par coïncidence pure ou simple, jusqu’au 18 février 2017, Gérard Mulumba, frère biologique d’Étienne Tshisekedi, était évêque du diocèse de Mweka. Il est parmi les personnes qui demandent, selon les vœux du défunt, des garanties du pouvoir de Kinshasa, afin que les obsèques soient organisées avec tous les honneurs et toute la dignité dus au rang et à la grandeur de ce politique exceptionnel. Le désormais évêque émérite déplore toute forme de récupération politique du pouvoir de Kinshasa autour des obsèques du défunt. Cette position tranchée n’aurait peut-être pas plu à Sa Sainteté le Pape à Vatican. Ainsi, le peuple RD Congolais, à majorité catholique du reste, se pose la question de savoir ce qui a bien pu motiver la décision de Sa Sainteté le Pape François, à travers la nonciature apostolique de Kinshasa (RDC), pendant la période de joutes politiques et sociales autour des pré-obsèques d’Étienne Tshisekedi: un communiqué signé à Kinshasa le 18 février 2017 « relève » l’évêque Gérard Mulumba de ses responsabilités vis-à-vis du diocèse de Mweka dans l’archidiocèse de Kananga - qu’il dirige depuis 1989 -, pour le remplacer par le Révérend Père Oscar Nkolo Kanowa.
Des spéculations tournent autour de deux questions suivantes : pourquoi ne pas attendre que Mgr. Gérard Mulumba, né le 8 juillet 1937, enterre d’abord son frère et transmette par la suite le portefeuille épiscopal à son successeur? Quelles sont les urgences prévalant dans le diocèse de Mweka qui exigent le remplacement de ce dernier pendant les jours les plus sombres de sa vie fraternelle, même si l’intéressé avait déjà de gré déposé sa démission au Saint-Siège, conformément au droit canon qui impose aux évêques de donner leur démission à 75 ans?
Sur le terrain politique, cela équivaudrait à l’accélération des démarches liées au rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi au pays, au regard de l’influence et l’implication de Mgr. Gérard Mulumba jugé, dans cette affaire funéraire, intransigeant et encombrant par le gouvernement Samy Badibanga : il serait donc absurde que le serviteur de Dieu retourne au pays sans le corps de son frère décédé
Il convient de souligner que le Cardinal Laurent Monsengwo, aujourd’hui âgé de 77 ans révolus, aurait aussi rendu sa démission et attendrait la réaction du Pape pour prendre congé de l’Archevêché de Kinshasa. Un autre cas similaire est signalé au diocèse de Papeete en Tahiti, dans la Polynésie française, où Monseigneur Hubert Coppenrath a été remplacé par le Révérend Père Jean-Pierre Cottanceau six ans après avoir donné sa démission en 2005.
En effet, la décision portant remplacement de Mgr. Gérard Mulumba laisse croire dans l’opinion que l’église catholique invite tacitement ce dernier à retourner vite au pays en vue des préparatifs du transfert du portefeuille épiscopal du diocèse de Mweka au nouveau promu. Sur le terrain politique, cela équivaudrait à l’accélération des démarches liées au rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi au pays, au regard de l’influence et l’implication de Mgr. Gérard Mulumba jugé, dans cette affaire funéraire, intransigeant et encombrant par le gouvernement Samy Badibanga : il serait donc absurde que le serviteur de Dieu retourne au pays sans le corps de son frère décédé depuis près de trois semaines, à Bruxelles, en Belgique. Lui qui, au mon de la famille du défunt, troquait sa mitre à la « toque du léopard » pour exhorter, le 13 février 2017 dernier, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) à accélérer les négociations sur l’exécution de l’accord du 31 décembre.
Vatican pouvait bien attendre que l’intéressé pût d’abord enterrer son frère et clôturer le deuil
Grosso modo, les populations congolaises s’interrogent valablement sur son prétendu sort. Car il constate que même les églises et les hommes de Dieu puissants dans ce monde s’érigent aussi en obstacle à l’émergence d’une société juste, équitable et démocratique en RDC, ce grand pays jouant encore un rôle important sur l’avancée du catholicisme à travers le continent africain.
Il semble possible que Mgr. Gérard Mulumba ait été remplacé conformément aux textes régissant l’organisation et le fonctionnement de l’église catholique, mais n’empêche que Vatican pouvait bien attendre que l’intéressé pût d’abord enterrer son frère et clôturer le deuil.