La marche contre le « dialogue made in Kabilie » organisée vendredi 28 août 2015 à Bruxelles n’a pas manqué de déborder : injures, menaces de mort, coups de poing, mise en bière, enterrement et crucifixion d’Étienne Tshisekedi
Il n’a point de doute, les activités prévues dans le calendrier électoral ont déraillé. Le processus électoral boitille…Les élections provinciales et de gouverneurs sont reportées sine die. Il est quasiment aléatoire que le cycle électoral 2015-2016 démarre et produise des résultats probants avant la fin de l’année 2015. Sauf miracle de type herculéen de la part de la Commission électorale indépendante (CENI) dont les membres du bureau n’inspirent plus confiance aux futurs candidats et aux électeurs.
Actuellement, l’opposition politique et l’opposition d’auto-défense populaire constituée par les « Combattants » sont toutes divisées et déboussolées à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le choix entre Pour ou Contre le dialogue occasionne aujourd’hui une déchirure notable qui, particulièrement, frôle la rupture entre les combattants unis hier comme un seul homme. La marche contre le « dialogue made in Kabilie » organisée vendredi 28 août 2015 à Bruxelles n’a pas manqué de déborder : injures, menaces de mort, coups de poing, mise en bière, enterrement et crucifixion d’Étienne Tshisekedi que les manifestants contre le « dialogue made in Kabilie » affirment sur tous les toits l’avoir soutenu inconditionnellement, matériellement, financièrement et moralement contre Joseph Kabila en 2011. Argument de taille pour ces anti-dialogue : lors de sa campagne électorale, devant des foules en liesse, Etienne Tshisekedi avait promis de renvoyer ce dernier au Rwanda, une fois élu président de la RD Congo.
...il n’appartient pas aux seuls Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi d’initier et de préparer le dialogue ainsi que d’en définir, en toute aparté, les termes et les limites des discussions qui concernent tout un pays en voie vers des compétitions politiques
Substantiellement, au sein de l’opposition, les pro-dialogue visent le recadrage du processus électoral en cours sans cautionner le glissement, notamment en ce qui concerne l’élection présidentielle. Pour ce premier courant de l’opposition, quelle que soit sa forme, un dialogue est important entre fils et filles du même pays, d’autant que les prochaines élections sont à tenir dans un contexte particulier d’insécurité à l’est du pays où ont été également signalés des bourrages monstres des urnes successivement en 2006 et 2011. Cependant, il n’appartient pas aux seuls Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi d’initier et de préparer le dialogue ainsi que d’en définir, en toute aparté, les termes et les limites des discussions qui concernent tout un pays en voie vers des compétitions politiques. Dans un contexte strictement pré-électoral caractérisé par le principe d’égalité entre les futurs candidats et les partis politiques, ni Joseph Kabila ni Etienne Tshisekedi ne sont habilités à inviter la classe politique et les forces vives de la nation au dialogue prévu dans l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Logiquement, il revient à l’ONU et à l’UA d’initier les consultations politiques en RD Congo et de nommer rapidement un médiateur conjoint, afin de pouvoir préparer et organiser le dialogue tant souhaité par l’ensemble de la classe politique, les forces vives de la nation et des masses populaires.
En dernière analyse, refuser de dialoguer est une option démocratique, mais limitée et muette au point de vue de continuité des projets et objectifs vitaux ou existentiels du pays
Ceux qui sont librement contre le dialogue prônent pour le soulèvement populaire comme seule issue salutaire pour un peuple longtemps humilié, clochardisé et martyrisé à outrance par le régime répressif de Joseph Kabila dont les principaux collaborateurs sont curieusement aujourd’hui comptés parmi les fidèles mobutistes : une manière de dire qu’il n’y a jamais eu révolution au 17 mai 1997. Les mêmes causes ont ainsi produit les mêmes effets!
En dernière analyse, refuser de dialoguer est une option démocratique, mais limitée et muette au point de vue de continuité des projets et objectifs vitaux ou existentiels du pays. Admettant qu’un soulèvement populaire mettait en déroute et démantelait, à la première minute de son déclenchement, le système kabiliste, quelle solution politique est envisagée pour la sauvegarde de l’unité du pays, l’organisation du nouveau pouvoir, le fonctionnement de l’administration publique, la préservation de la paix et de la sécurité sur toute l’étendue du pays? Plus d’une question sont à poser et reposer avant de lever l’option pour le soulèvement populaire qui peut facilement engendrer un monstre à plusieurs têtes. Les problèmes risqueraient de devenir plus complexes et plus nombreux pendant que les moyens d’action du pays sont strictement limités aujourd’hui. Cette option est vivement à déconseiller.
Le dialogue voulu par l’opposition congolaise (interne et externe) ne peut en aucun cas être l’initiative de Joseph Kabila qui constitue en lui-même le problème et est présupposé comme obstacle majeur à l’avancement normal du processus électoral
Par ailleurs, en faisant la relecture des déclarations politiques récentes, il se dégage que presque tous les partis politiques qui sont aujourd’hui contre le dialogue s’étaient prononcés publiquement pour le règlement des différents selon le principe de l’arbre à palabre c’est-à-dire le dialogue dont tous les principaux partis de l’opposition par leurs leaders clamaient haut les vertus démocratiques, politiques et diplomatiques : Vital Kamerhe avec son plan de sortie de crise, Eve Bazaïba, Martin Fayulu, Gabriel mokia et autres. La RD Congo n’est pas née en 2015, pour croire bien maîtriser le contour et le détour de l’ensemble de problèmes qui la minent. Aujourd’hui ou demain, le dialogue s’impose et s’imposera à tous les Congolais, dans une forme ou une autre. Le dialogue aura bel et bien lieu. Ce qui a faussé la note c’est la procédure. Le dialogue voulu par l’opposition congolaise (interne et externe) ne peut en aucun cas être l’initiative de Joseph Kabila qui constitue en lui-même le problème et est présupposé comme obstacle majeur à l’avancement normal du processus électoral.
De nombreuses démarches visant la tenue du dialogue inclusif ont été amorcées par les acteurs politiques congolais dont le plus fécond en la matière est sans conteste le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Vital Kamerhe, porteur et défenseur acharné d’un plan de sortie de la crise élaboré octobre 2012. Bien plus, en septembre 2013, l’UNC est initiatrice de la Coalition pour le Vrai Dialogue (CVD) avec principalement le Parti Travailliste (PT) de Steve Mbikayi et le Rassemblement des Congolais pour la Démocratie /Kisangani Mouvement de Libération (RDC/KML ) de Mbusa Nyamwisi. Curieusement, sans avoir fourni le bilan de cette coalition ni déclaré publiquement son abrogation, les signataires de l’acte constitutif de celle-ci se présentent en ordre dispersé face à la proposition du dialogue politique pourtant conforme aux dispositions de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2098 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui, en principe, supplante les lois nationales. Fruit politique du dialogue intercongolais, le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), un parti né armé, n’a jamais eu honte de son habitude stratégique de rejoindre chaque fois en dernier toute nouvelle vague ou recette politique. Il sera le parti politique le plus alimentaire de la majorité présidentielle : en l'espace d'environ 10 ans, trois secrétaires généraux et des dizaines de hauts cadres du MLC ont tourné casaque pour défendre la politique de Joseph Kabila. Ce qui précède illustre le tâtonnement, les incohérences, l’irresponsabilité, l’aventurisme et le déboussolement des acteurs de l’opposition politique.
Il faudra un minimum d’élégance, de tolérance, de respect mutuel et de courtoisie parmi les membres de l’opposition d’autodéfense populaire ou les « combattants »
Pour le cas d’espèce, le dialogue devra être l’initiative de l’ONU, au respect des dispositions de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, et de l’UA. Lesquelles institutions sont mieux placées pour initier et entreprendre, en toute confiance du monde et du peuple congolais, des démarches utiles au rapprochement des parties en présence. Une telle méthode d’approche est susceptible de laver de tout soupçon toutes parties vis-à-vis du peuple congolais dont les combattants à l’étranger constituant une réelle opposition d’auto-défense populaire.
Par ailleurs, il faudra un minimum d’élégance, de tolérance, de respect mutuel et de courtoisie parmi les membres de l’opposition d’autodéfense populaire ou les « combattants », mais surtout, une organisation plus crédible assortie des objectifs plus clairs, plus concrets et plus réalistes sur le retour de la paix, la stabilité, la reconstruction et le développement durable de la RD Congo, afin qu’ils ne passent pas pour des « micro-altermondialistes » criant dehors pendant les autres cristallisent leurs efforts et décident de l’avenir de la planète dont celui de la RD Congo dans la salle.
Par Claude Kazadi Lubatshi