des experts venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique ont cogité autour des préoccupations majeures relatives au concept « interculturalité », afin trouver des voies et définir les pratiques socioculturelles susceptibles de permettre aux universités de retrouver leur vocation première menant sans détour au vivre-ensemble harmonieux et apaisé, à l’échelle planétaire
L’Institut Catholique de l’Afrique de l’Ouest/ Unité Universitaire d’Abidjan, l’Université Félix Houphouët Boigny Abidjan, l’Université de Montréal, l’Institut Catholique de Paris (ICP) et le Réseau Philosophique de l’Interculturel (REPHI) ont organisé, en synergie, du 17 au 19 mars 2015, un colloque international autour du thème « Vivre-ensemble dans un environnement multiculturel : le denier des universités » pour lequel des experts venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique ont cogité autour des préoccupations majeures relatives au concept "interculturalité", afin trouver des voies et définir les pratiques socioculturelles susceptibles de permettre aux universités de retrouver leur vocation première menant sans détour au vivre-ensemble harmonieux et apaisé, à l’échelle planétaire.
S’agissant de l’état de la question, les organisateurs du colloque ont épinglé qu’à travers les sociétés d’aujourd’hui, interculturalité passe pour une réalité dérivée du vivre-ensemble. Le concept d’interculturalité, émergeant « comme le printemps d’un monde nouveau à faire advenir et s’opposant, d’une part, à la monoculture, et, d’autre part, au multiculturalisme, se veut foncièrement programme de vie et d’action en vue d’un nouvel ordre social. La différence, au regard de cet ordre, loin de constituer un obstacle, garantit, à chaque particularité, son espace d’expression et d’épanouissement ».
Le monde censé être un "village planétaire" est en réalité ce village dans lequel le plus riche impose sa loi, sa culture, son idéologie et où le vivre-ensemble perd ses allures de réciprocité pour signifier l’obligation pour l’un de vivre comme l’autre
La récurrence actuelle du concept d’interculturalité dans les médias comme dans les divers centres de réflexion cache tout autant ses ambiguïtés qu’elle ne dévoile son urgence pour un vrai projet de société. En effet, plus qu’une belle idée, ce concept porte en lui la dynamique de ce qui peut unir nos sociétés déliées, désunies, sujettes à la suspicion permanente de l’autre en qui se cristalliseraient tous nos maux. Le monde censé être un "village planétaire" est en réalité ce village dans lequel le plus riche impose sa loi, sa culture, son idéologie et où le vivre-ensemble perd ses allures de réciprocité pour signifier l’obligation pour l’un de vivre comme l’autre.
Face à la montée des nationalismes et des extrémismes religieux, politiques, culturels, etc., le concept du vivre-ensemble peut-il encore retrouver son sens essentiel ? Ce sens n’est-il pas, en définitive, celui d’unir efficacement la vie et les hommes et de redonner sa dignité à ce qui, désormais est devenu obsolète : l’humain ?
Au demeurant, aborder la question relative au vivre-ensemble renvoie aussi et pratiquement à une réappropriation effective de l’espace dialogique et de communion par laquelle pouvoir surmonter le risque de rapport conflictuel.
Grâce à une réflexion transversale entre philosophie et théologie, une revue attentive et avertie de l’histoire commune d’un monde aussi plein de dissonances et convergences des cultures peut ainsi permettre aux universités de retrouver leur vocation première et de contribuer à relever le défi du vivre-ensemble si délicat mais si précieux.
Les nouvelles perspectives conduisant vers une reconnaissance sociale et un enrichissement facile, ne pourront jamais remplacer le besoin et le désir de posséder un titre universitaire et de pourvoir à un développement durable de la société
Cinq axes ont été tracés pour mieux approfondir le thème du colloque : (1) Mémoire : Questions des fondements, (2) Identité et Altérité : Reconnaissance identitaire et dialogue des cultures (3) Symbolique : Le vivre-ensemble à la lumière de la symbolique trinitaire, (4) Gnoséologie : Université et Uni-diversité et (5) Praxéologie : Reconstruction de l’imaginaire face à l’intégration sous régionale
Dans la foulée de communications, à travers le sujet « Le Défi du Vivre-ensemble » reposant sur l’axe Université et Uni-diversité, le professeur Willy Bongo Pasi, soulignant que l’université est aussi à considérer comme une union de professeurs et d’étudiants qui se rassemblent pour partager le savoir scientifique, en vue de sa production, de sa reproduction et de sa dissémination au profit, a finalement conclu que (1) Sur le plan ontologique, l’université reste encore fidèle à sa vocation originaire de formation intégrale de la personne humaine ; (2) Sur le plan téléologique, sa finalité est celle d’être un pôle d’excellence et d’attraction, de corps d’élites du savoir, du savoir-faire et du savoir-être toujours en partage ; (3) Sur le plan sociologique et historique, l’université excelle comme outil d’initiation à la créativité et à la formation des créateurs d’emplois. Sa pédagogie est celle du développement avec des programmes d’études et de recherche orientés vers la professionnalisation des filières. Le diplôme universitaire restera prestigieux et créateur du bien-être et des compétences pour tous. Les nouvelles perspectives conduisant vers une reconnaissance sociale et un enrichissement facile, ne pourront jamais remplacer le besoin et le désir de posséder un titre universitaire et de pourvoir à un développement durable de la société.
Recommandation n°4: le renouvellement du regard de l’Université et de l’Église sur le monde numérique en le reconsidérant dans ses valeurs fondamentales d’informations et d’échanges communicationnelles en tant que paradigme et vivier du vivre-ensemble
A l’issue des travaux et des fructueux échanges, en présence du Nonce apostolique en Côte d’Ivoire, Monseigneur Joseph Spiteri, de Son Éminence Théodore Cardinal Adrien Sarr, Grand Chancelier de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest et de Monseigneur Barthélémy Adoukonou, Secrétaire du Conseil pontifical pour la culture, les 11 recommandations suivantes ont été formulées : (1)L’exigence pour l’université de surmonter son divorce d’avec la Société ; (2)La nécessité pour l’institution universitaire de s’ouvrir aux divers paradigmes de la raison afin de créer le cadre d’un dialogue entre les différentes conceptions de l’humain véhiculées par les diverses religions ; (3)La reconstruction de l’imaginaire face à un monde de plus en plus intégré ; (4)Le renouvellement du regard de l’Université et de l’Église sur le monde numérique en le reconsidérant dans ses valeurs fondamentales d’informations et d’échanges communicationnelles en tant que paradigme et vivier du vivre-ensemble ; (5)Le renforcement de la coopération entre la Fédération Internationale des Universités Catholiques ; (6)La promotion d’une théologie pratique et plus précisément une théologie hospitalière qui recherche une ouverture à l’altérité ; (7)L’édification d’une théologie publique de la diversité se reliant à la problématique de l’interculturalité ; (8)La promotion des identités multiples en antidote aux identités meurtrières ; (9)La diffusion par l’Église et l’université de l’idée selon laquelle la paix et le progrès ne se construisent mieux dans un espace d’interculturalité ; (10)Le devoir pour l’Église de fixer les cadres de la civilisation de l’amour et (11)La condamnation au moyen d’une ardeur missionnaire de toute idée fondée sur l’intégrisme et le fondamentalisme religieux.
Nelly Kapinga wa Diamba